lundi 2 avril 2012

Rejet


Comme je te hais ! Il me semble ne jamais avoir ressenti une once d’affection pour toi. Toi qui n’es autre que le lac dans lequel je me noie. La pierre retenue à mes chevilles par la chaîne de la filiation m’oblige à m’immerger complètement dans ce qui te constitue. Cette étendue de liquide aux relents éthyliques pénétrant mon système olfactif. Pourtant, j’ai appris à nager, mes malgré ça, tes vagues de mots, sont des flots de paroles qui m’assaillent et me font couler. Je me débats. Je lutte. Mais je perds pieds dans ton univers abyssal. Alors je sombre avec toi.

Toi qui me transforme en monstre. Toi qui me rends fauve, hargneuse et agressive. Comme je te hais de faire de moi ta chose à force de cris, de coups et de violence. Tu uses de ta puissance sur mon esprit fragile, t’attaquant à mon corps. Dans cette relation, bien que deux univers se rencontrent, l’un inhibe l’autre et le reconstruit à son image. Un rapport animal dominant, et animal soumis. Un conflit perpétuel entre la louve alpha et le rat d’égout.

Ainsi, tu réveilles en moi mes plus bas instincts. Ceux qui me font devenir un chien hargneux qui préfère mordre les mains qui s’approchent de lui, plutôt que de recevoir des coups. Je deviens une bête à mon tour, l’âme méchante, en voulant à la terre entière de ne pas voir dans quel étau tu me serres. Le mental, en apparence aussi froid, glacial que de l’acier chirurgical. Car pour obtenir l’acier, il faut d’abord passer par des températures élevées, dans lesquelles il va fondre, se transformer, se reconstituer, pour obtenir son aspect final.

Les autres ont peur, les autres ne savent pas, ou ne veulent pas savoir. Ni les bleus sur mes bras, ni les coupures sur mes veines ne semblent les alerter. Il faut que tout aille pour le mieux, dans le meilleur des mondes. Avant j’essayai de leur montrer le mien. Mais les humains ne veulent pas s’aventurer loin de la lumière. Ils sont habitués à suivre le chemin qu’on leur montre. Et grâce à toi, je fais parti de ceux qui lorgnent ces privilégiés, à moitié écroulée dans la fange du caniveau.

Toi, tu es la cause du froid que je dégage. De ce comportement hautain, prétentieux, de cet humour cynique. Affronter mes démons, équivaut à t’affronter toi. Autrement dit, je me dois d’arborer ma carapace d’indifférence et de tenir mon épée de cruauté à bout de bras, et ce, en permanence. Tel Sisyphe roulant sa pierre, je te combats silencieusement chaque jour. Essayant vainement de ne pas perdre la bataille pour mon esprit, afin qu’il ne soit pas en ta possession, puisque j’ai déjà perdu celle du corps.

Ces hurlements qui sortent de ta gorge saturent mon atmosphère. Les volutes de fumée émanant de ta bouche, polluent la limpidité de mes pensées, car infectées de la noirceur de ton venin. Une bête tu es, une bête tu veux que je sois. Je suis ton pantin, sur lequel tu déchaîne ta frustration. Tu prends un malin plaisir à tirer sur les fils de ta marionnette, qui lui ont été imputés depuis sa naissance.

Jour après jour j’abhorre tes sourires, ta voix, ton odeur. Autant de symboles de ta personne que je devrai vénérer car tu m’as donné la vie.

Car oui, l’être que je répugne le plus au monde n’est autre que toi ma mère.

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